Coexistence Ogm et non-Ogm Le Haut conseil des biotechnologies insiste sur la nécessaire levée d’ambiguïtés sur les seuils de présence fortuite et le financement des mesures
Au terme de deux années de travail, la loi Ogm va pouvoir devenir opérationnelle. Le Hcb a présenté, mardi 17 janvier, son avis sur les mesures de coexistence entre cultures GM et non-GM. Il juge qu’imposer une distance entre parcelles serait inadapté, et préfère une concertation entre acteurs des territoires qui permette d’adapter les mesures aux différents contextes. Le Hcb met également l’accent sur l’impératif de pureté variétale au niveau de la production de semences. Enfin, il demande aux pouvoirs publics de lever certaines ambiguïtés.
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Le comité scientifique (CS) du Hcb, présidé par Jean-Christophe Pagès, a donc été saisi par le ministère de l’Agriculture pour rendre un avis sur les conditions techniques de mise en culture, récolte, stockage et transport de végétaux génétiquement modifiés, qui permettraient de minimiser leur présence fortuite dans d’autres productions. Jean-Christophe Pagès précise en préambule que l’avis concerne « les espèces pour lesquelles des variétés génétiquement modifiées sont autorisées ou en cours d’évaluation (maïs, pomme de terre, betteraves sucrières et soja) pour leur mise en culture en Europe ».
Deux seuils à considérer
Quant aux seuils de présence d’Adn transgénique, le comité scientifique du Hcb note que le respect du seuil de 0,9 %, au-delà duquel la Commission européenne impose l’indication de présence d’Ogm sur l’étiquetage, ne devrait pas impliquer de mesures très différentes des conditions de production actuelles. « Elles seront plus contraignantes pour le seuil de 0,1 %, proposé par la France en 2009, seuil le plus bas techniquement réalisable, condition de l’étiquetage "sans Ogm". » Le comité souligne que le respect du seuil de 0,1 % pourra, notamment, nécessiter la révision des normes et des conditions actuelles de production de semences et de plants, la hausse des exigences, pour garantir la pureté des semences de base.
Pas de distance unique pour le maïs
Les mesures destinées à assurer la coexistence, compte tenu de la diversité des situations pédoclimatiques, des pratiques agronomiques, devront être adaptées aux territoires. « Pour le maïs, notamment, le comité préconise de déterminer des mesures propres à organiser chaque situation de coexistence plutôt que de proposer une distance unique applicable à l’ensemble du territoire qui n’aurait de sens pour aucune situation particulière. » Pour les autres cultures, dont la dispersion du matériel génétique se trouve moins sensible au contexte environnemental, les distances d’isolement sont proposées pour garantir le respect de chaque seuil de présence fortuite. Encore une fois, la production de semences fait l’objet de recommandations particulières.
Assurer le maintien de la diversité de l'offre de variétés non-Ogm
Le comité économique, éthique et social (Cees), présidé par Christine Noiville, recommande quant à lui d’assurer le maintien d’une offre diversifiée de variétés, GM comme non-GM, afin d’assurer à terme la liberté de choix de l’agriculteur. Il partage l’avis du CS sur de nécessaires négociations entre « usagers de la terre » : agriculteurs, apiculteurs, représentants des filières, organismes collecteurs et stockeurs. Christine Noiville précise cependant qu’en l’absence d’accord, les mesures décidées par arrêté seront celles adoptées. Le comité se prononce enfin en faveur d’une formation des agriculteurs souhaitant cultiver des Ogm et de la mise en place d’un fonds d’indemnisation abondé par les acteurs privés destiné à indemniser les présences fortuites. Le comité exhorte par ailleurs les pouvoirs publics à lever les ambiguïtés sur le seuil de présence fortuite à respecter et la répartition des coûts induits par la mise en place des mesures de la coexistence.
Exemples de la pomme de terre et du maïs
En pommes de terre, le respect d’un seuil de 0,9 % de présence fortuite, impose une rotation Ogm/non-Ogm de quatre ans et une distance minimum de 5 m entre les parcelles. Le respect du seuil de 0,1 % impose une amélioration de la pureté variétale, qui devrait à l’évidence obliger le producteur de plants à cultiver exclusivement des variétés GM ou non-GM, et une distance d’au moins 20 m. En maïs, la concertation entre acteurs est indispensable. Il y a une obligation d’isolement des parcelles, de séparations temporelles (variétés à floraisons décalées), de mise en place de zones tampon pour les producteurs d’Ogm et de zones de détourage pour les non-Ogm. L’exigence de pureté variétale imposera aux multiplicateurs de semences une distance de plus d’1 km entre les parcelles d’Ogm et les autres. « Ces modalités seront à confirmer ou réviser après plusieurs années d’applications, précise Jean-Christophe Pagès. Un suivi permettra de valider les modèles. Surtout que le taux d’adoption des Ogm constitue encore la grande inconnue de l’équation. Combien d’agriculteurs se lanceront des la culture d’Ogm et combien souhaiteront revendiquer le seuil de 0,1 % ? »
Réactions : L’Association française des biotechnologies végétales (Afbv) considère « la coexistence comme impraticable au seuil de 0,1 % de présence fortuite d’Ogm alors qu’elle ne poserait pas de difficultés particulières d’application au seuil de 0,9 %, taux décidé à Bruxelles. L’Afbv rappelle que ce seuil ne signifie pas un risque sanitaire et qu'il concerne des Ogm, évalués et ayant reçu un avis favorable par la Commission. Le respect de ce seuil de 0,1 % impliquerait la mise en œuvre de mesures très contraignantes pour toute la filière, très coûteuses, alors qu’on ne sait pas qui devra payer ce surcoût. » L’Afbv demande au gouvernement de retenir la norme européenne de 0,9 %. « Dans le cas contraire, il devra assumer les conséquences économiques de ce choix, en termes de compétitivité, de capacité de production, de recherche en amélioration des plantes et d'innovation. » Les organisations environnementales, apicoles, et paysannes - Fnab, Fne, Confédération Paysanne, Amis de la Terre, Unaf - considèrent que l'avis du Hcb passe à côté de nombreux problèmes et ne fournit pas de réponses pour une coexistence durable. « Outre que l’avis se fonde majoritairement sur des études financées par les firmes, il occulte gravement la problématique de l’apiculture. Surtout que, depuis une décision de la Cour de justice de l’Union européenne de septembre dernier, le moindre grain de pollen issu de maïs Mon810 que l’on retrouverait dans une production apicole conduirait à en empêcher sa commercialisation. |
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